Le 20 NOVEMBRE 2019,
Il y a quelques jours, une petite de onze ans, qui a décrit avoir subi des faits incestueux, raconte lors de sa séance de psychothérapie sa dernière audience auprès du juge. On lui a expliqué que sa plainte avait été classée sans suite car il n’y avait aucune preuve et que donc « c’était comme s’il n’y avait rien eu » et qu’il fallait retourner voir son père car « c’était son père quand même ». L’enfant commente : « Mais ils croient quoi ? qu’il y a des preuves dans ces histoires ? Elle veut quoi en fait ? Que je prenne des photos ou que je filme pendant qu’il me fait ça ? » L’enfant finit par s’effondrer en disant « de toute façon personne ne me croit… »
Cette détresse d’enfant dont la parole est niée, annulée est notre quotidien à tous, nous professionnels, soignants qui cherchons à protéger les enfants des maltraitances. Moins de 5 % des viols sur mineurs sont punis en France[1] et surtout la grande majorité des enfants victimes d’inceste n’est pas protégée en dépit des signalements de professionnels. Pire, parfois même ces enfants qui ont osé révéler et solliciter l’aide des adultes se retrouvent séparés de leur parent protecteur pour être confié à la garde de leur agresseur comme le confirment d’ailleurs les dernières études sérieuses[2] sur le sujet (J. MEIER, J. SIELBERG). De trop nombreuses situations nous amènent à constater des évaluations arbitraires, par des professionnels souvent insuffisamment formés, conduisant à des renversements de culpabilité contre les parents protecteurs et au fait que les enfants ne sont ni crûs, ni protégés. Cette défiance vis-à-vis de la parole des enfants est d’autant plus alarmante que nous savons que seulement 2 à 11 % des victimes portent plainte, et que les études sur le sujet montrent toutes que les fausses allégations d’abus sexuels sont rarissimes, de l’ordre de 2 %.
Le REPPEA, réseau de professionnels pour la protection des enfants et des adolescents se mobilise en ce trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant pour alerter sur l’inefficacité des recommandations et l’inapplication des textes pourtant existants et demander à ce que les enfants français bénéficient réellement du respect de leurs droits fondamentaux à être protégés contre toutes formes de maltraitance.
Aussi en ce trentième anniversaire nous sommes au regret de constater que depuis plusieurs années
- C’est comme si nous professionnels, associations, n’avions rien dit : pourtant nos alertes ont été nombreuses, nous avons dénoncé les maltraitances institutionnelles, les lois inadaptées[3][4][5], le fait que les enfants n’étaient pas protégés et renvoyés chez leur parents maltraitants, le fait que l’on privait les bébés des soins maternels essentiels à leur construction psychique en ordonnant des résidences alternées alors qu’ils sont trop petits pour supporter les séparations[6]. Quel pays barbare sommes – nous devenus pour permettre tout cela ?
- C’est comme si nous, professionnels, associations, n’avions rien fait. Pourtant nous avons alerté à de multiples reprises en particulier en 2013 avec la création d’un sondage[7] qui montrait clairement un fossé entre les évaluations de protection faites par les professionnels et l’absence de protection obtenue au décours des signalements. Nous avons aussi publié dans le seul but d’alerter de nombreux ouvrages[8] et articles[9], en vain, rien n’a changé sur le terrain…
- C’est comme si nous professionnels, associations n’avions rien proposés. Pourtant nous avons, dès 2013, demandé à ce qu’un observatoire et un collège spécialisé d’experts[10] soient créés pour traiter de situations complexes d’enfants qui n’étaient pas protégés, sans réponse… Nous avons plus récemment proposé à M. Adrien Taquet, secrétaire d’État à la protection de l’enfance, un projet de création de Centre de référence d’évaluation et de soin en protection de l’enfance maltraitée[11], qui permettrait enfin d’évaluer les situations les plus complexes avec une équipe hautement spécialisée pour traiter de ces questions primordiales, mais toujours sans réponse …
En ce jour d’anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, nous demandons que les pouvoirs publics se mobilisent authentiquement et sérieusement autour de toutes ces problématiques en étant véritablement à l’écoute de ce que les professionnels et associations engagés dénoncent sur le terrain et des propositions qui leur sont faites pour y remédier et qu’enfin il en soit fini de faire « comme si il n’y avait rien eu »…
[1] Les violences sexuelles sur mineurs sont mal prises en compte par notre justice : plus de 95 % des « faits constatés par la police et la gendarmerie » de viol d’un mineur par un majeur n’aboutissent pas à une condamnation (pour ces même faits).
[2] https://reppea.wordpress.com/syndrome-dalienation-parentale/
[3] https://reppea.wordpress.com/propositions-dameliorations-des-lois-pour-une-meilleure-protection-des-mineurs/
[4] https://reppea.wordpress.com/quand-les-enfants-maltraites-sont-legalement-prives-de-soins/
[5] https://reppea.wordpress.com/alerte-de-professionnels-au-sujet-de-larticle-18-du-projet-de-loi-de-reforme-justice/
[6] https://reppea.wordpress.com/non-a-la-residence-alternee-systematique/
[7] https://reppea.wordpress.com/livre-blanc-sur-la-protection-des-enfants-maltraites-propositions-contre-les-dysfonctionnements-2/
[8] https://reppea.wordpress.com/livre-danger-en-protection-de-lenfance-denis-et-instrumentalisations-perverses/
[9] https://reppea.wordpress.com/publications-reppea/
[10] https://reppea.wordpress.com/demande-de-creation-dun-observatoire-et-dun-college-dexperts-specialises-pour-les-enfants-en-danger/
[11] https://reppea.wordpress.com/courrier-a-monsieur-adrien-taquet-au-sujet-dun-projet-de-centre-de-reference-enfance-maltraitee/