AVIS EN QUESTIONS /REPONSES EDUCATION A LA SEXUALITE A L’ECOLE

Octobre 2018 (réactualisation aout 2019)

En réponses à des questions de journalistes ou de parents nous vous proposons nos réponses et réflexions sur le sujet de l’éducation à la sexualité.

Pourquoi l’école ou le collège doivent-ils aborder les cours d’éducation sexuelle ? Ces sujets peuvent-il être abordés en dehors de la sphère familiale ?

L’école est un lieu de vie où les enfants et les adolescents passent une grande partie de leur temps. C’est un lieu d’acquisition de connaissances nouvelles, d’apprentissages et c’est aussi un espace d’échange, de construction des liens interpersonnels, d’apprentissage du respect de soi et des autres et des interdits fondamentaux.

Mais cela ne veut pas dire que c’est le lieu de tous les apprentissages, car il est fondamental de comprendre qu’un petit de maternelle ou de primaire n’a pas la maturité affective d’un adolescent de lycée. Les apprentissages doivent donc être transmis en fonction des capacités d’élaboration et de compréhension des enfants, en respectant leur vulnérabilité vis-à-vis de sujets qui peuvent être choquants ou traumatiques en fonction de leur âge. Concernant les cours « d’éducation à la sexualité », ce sont des apprentissages où ne doit être évoqué que ce qui relève de la sphère publique, et comme l’a stipulé de façon consciencieuse la circulaire de septembre 2018, il s’agit de « permettre aux enfants et aux jeunes de repérer ce qui relève de la sphère privée et de la sphère publique, et de maintenir les échanges dans la sphère publique. Ce qui est débattu dans le groupe doit pouvoir être entendu par tous dans l’institution ». Aussi apprendre aux enfants à respecter les autres et à contenir leurs pulsions, c’est leur apprendre qu’on ne parle pas de pratique sexuelle, de sodomie ou de fellation en public donc encore moins dans une classe, et la meilleure façon de leur apprendre c’est justement de ne pas le faire dans ces cours. Dans le cas contraire, les adultes rendraient confuses et poreuses les limites entre le privé (l’intime) et le public, et cela n’aide en rien le jeune à avoir une attitude plus responsable à l’égard d’autrui. Par contre, informer sur la prévention (ce qui appartient au discours public) oui, et en le faisant en fonction des besoins et des âges, c’est une nécessité, et c’est ce programme qui devrait être obligatoire. Pour le reste il n’y a pas d’autre choix que de développer des lieux de paroles individuels et privés pour des questions d’ordre privé.

Par ailleurs, le caractère obligatoire et systématisé en fonction de la classe d’âge est à interroger alors même que les enfants et les jeunes d’une même classe d’âge n’ont pas tous la même maturité et n’en sont pas tous aux mêmes questionnements. Aussi lorsqu’on oblige des jeunes, à avoir des informations sexuelles, donc à subir contre leur volonté des discours et des propos à caractère sexuel, ceci peut s’apparenter à une forme de harcèlement sexuel, et certains disent l’avoir très mal vécu (comme une intrusion, un viol). Quand une fille scolarisée en sixième déclare à ses parents : « Je considère que je n’avais ni le besoin ni l’âge d’entendre ce que j’ai entendu », on mesure à quel point l’éducation à la sexualité repose d’abord sur le désir de certains adultes.

Concernant les cours d’éducation sexuelle, le terme n’est peut-être pas le plus adapté, car il est source de multiples confusions. On n’éduque pas à la sexualité. La sexualité est quelque chose qui se découvre à l’adolescence. Avant il ne s’agit pas de sexualité telle que nous l’entendons en tant qu’adulte mais de curiosité sur la différence des sexes et sur les origines (d’où je viens ? comment je suis arrivé là ?), et sur la manière dont les adultes font les enfants, ce à quoi il n’a pas accès. Il est légitime que l’enfant ait une réponse à ses questions, mais de la part de ses parents (la circulaire ministérielle précise qu’il ne doit pas y avoir d’éducation explicite à la sexualité en primaire), et seulement lorsqu’il les pose et pas avant, et en le faisant de manière adaptée à son âge. D’une manière générale, le terme « d’éducation sexuelle » devrait être supprimé et remplacé par « éducation à la vie relationnelle (ce qui inclut toutes les sortes de relations) et civique » en lien avec les parents et en adaptant les contenus à chaque âge.

Pour un enfant, ses repères principaux devraient être et rester ses parents. Les interdits fondamentaux sont transmis par les parents et relayés par l’école et non l’inverse. Si le système scolaire se substitue aux parents et met en place des programmes sans même les en informer, il y a là un risque pour les enfants car cela va créer de la confusion entre les discours des différents adultes, mais surtout parce que les propos des intervenants ne sont pas toujours les plus appropriés et ne font pas l’unanimité dans toutes les familles. Donc des divergences éducatives graves peuvent s’introduire entre les familles et l’éducation faite à l’école sous la direction de l’Etat. Tous doivent d’abord pouvoir s’entendre sur un support commun de connaissances à transmettre qui ferait consensus au niveau national avant de débuter quoi que ce soit. Pour l’instant l’idée est que chaque académie et chaque établissement sont chargés de la programmation de ces enseignements.

En milieu scolaire, il devrait s’agir bien davantage de séances en petit groupe, en proposant aux jeunes qui le souhaitent d’y assister après les avoir préalablement informés des contenus et des objectifs qui devraient se centrer sur la prévention plus que sur des questions sur la sexualité pure. Cela permettrait de créer des groupes plus homogènes tout en ne forçant pas ceux qui ne le souhaitent pas. Chacun doit pouvoir accéder à des entretiens individuels avec des personnels de santé pour des questions plus privées.

Une difficulté actuelle est que les consignes venues de l’étranger (OMS, Standards européens d’éducation à la sexualité) ont été établies par des personnes qui ne sont pas des spécialistes de l’enfance. Ce qu’elles proposent est dans certains cas totalement inadapté. Par exemple il est préconisé que soient abordés entre 6 et 9 ans, les menstruations, l’éjaculation, le plaisir lié au toucher de son propre corps, les relations sexuelles. Pour l’instant le Ministère de l’Éducation nationale a retiré de son site CANOPE ces références suite à la mobilisation de milliers de professionnels de l’enfance en 2018, mais le planning familial et certains autres organismes qui interviennent en milieu scolaire les conservent comme références implicites ou explicites, ce qui ne peut qu’inquiéter. Par contre, parler aux élèves de primaire du respect du corps, du fait que nous sommes tous différents, mais que nous avons tous la même valeur, leur apprendre qu’il y a des zones (les parties sexuelles tout en ne cherchant pas à leur inculquer les mots utilisés par les adultes) plus intimes que les autres, que personne d’autres qu’eux n’a le droit de les toucher, leur apprendre la notion de respect de soi et des autres et d’intimité, de pudeur est fondamental.

– Comment le faire ? Quels sont les sujets à aborder avec les élèves, en fonction de leur âge ?

La priorité serait de respecter l’enfant pour ce qu’il est, c’est-à-dire un être en développement et en effet tout ne peut pas être abordé avec tous les enfants et à tous les âges. La question de l’intimité est aussi fondamentale et lorsque l’on constate que des séances se font au collège en classe entière, presque toujours mixte, et où les élèves ont des obligations d’entendre parler de sexualité parce que c’est dans l’idéologie de certains intervenants, nous ne sommes plus du tout dans un registre de respect de la pudeur des jeunes et de leur intimité.

Dans la biologie de la reproduction, qui ne doit pas avoir lieu avant la cinquième de notre point de vue, on peut effectivement décrire les zones corporelles leur fonctionnement comme un cours de science, mais sans évoquer la notion de plaisir sexuel ni l’érogénéité des zones sexuelles qui n’a pas sa place dans un espace collectif mais qui peut être abordé éventuellement auprès de l’infirmière scolaire à titre individuel. Certains de ces mouvements prônant ces nouvelles formes d’éducation à la sexualité en étaient arrivé à faire fabriquer par les élèves de 4 ème un clitoris 3 D grâce à une imprimante 3 D. Quel intérêt ?

La prévention au collège et surtout au lycée doit porter sur la protection contre les grossesses précoces, les MST, et savoir dire non.

– Faut-il laisser une plus grande part encore à la parole des élèves ?

La difficulté actuelle c’est que les élèves n’ont pas réellement une parole libre à ce sujet puisque ces séances sont obligatoires… Si pour certains, parler et échanger avec d’autres est vécu positivement, pour d’autres c’est un cauchemar, car la parole prononcée par un est entendue de tous. Et bien sûr chacun a ses propres limites en la matière et il est important de considérer la singularité de chaque jeune sur ces sujets.

L’idéal serait de pouvoir proposer des temps individuels pour parler des ressentis les plus intimes (par exemple des questions angoissantes que se pose un jeune adolescent sur la taille de son sexe ou un autre sur son identité sexuelle). Et pour les temps en groupe il faudrait pouvoir aborder des questions plus générales sur les notions de respect des uns et des autres, celui de la différence, celui de la solidarité, celui de la prévention (contraception, MST, grossesses précoces, violences sexuelles), mais ne pas aborder les questions intimes liées aux ressentis ou aux inquiétudes et questions d’ordre sexuel ou aux pratiques sexuelles qui n’appartiennent qu’à chacun et sont du registre de la sphère privée.

Faut-il informer les parents de ces cours (notamment pour éviter les amalgames), voire les y associer ?

Les parents sont les détenteurs de l’autorité parentale. Ils doivent être informés, c’est un principe légal du Code civil et cela fait aussi partie du code de l’éducation qui rappelle que les parents doivent être informés et associés à toutes les activités ayant lieu dans l’établissement scolaire de leur enfant. Or à ce sujet, il est fréquent que les parents ne soient pas informés de ces actions d’éducation sexuelle ou de leur contenu. C’est leur droit de demander qui intervient, quel est le contenu de ces séances, leur durée, ce qui est mis en place si les élèves ont besoin ensuite de soutien ou s’ils posent des questions. Les parents ont le droit de refuser que leur enfant soit contraint à ces séances si elles ne paraissent pas adaptées. Les parents n’osent souvent pas s’exprimer, par crainte de représailles sur leur enfant, d’où l’importance d’être délégués des parents d’élèves pour être informé et pouvoir porter la voix des parents sur ces questions essentielles. D’autant plus que les associations officielles de parents d’élèves n’ont visiblement pas perçu ou voulu percevoir la nocivité de certaines actions d’éducation à la sexualité.

Travailler sur l’estime de soi, sur la capacité à mettre des mots sur ses émotions seraient déjà un minimum avant de partir sur des sujets sexuels plus qu’intrusifs pour un enfant.

Comprendre que l’égalité, dans le sens de l’égalité des droits (et donc du droit au respect) garçon-fille, homme-femme, mais aussi petit/grand est fondamental. Mais il ne faut pas confondre égalité (des droits) et le fait d’être identiques :  nous avons tous la même valeur et les mêmes droits, mais nous sommes tous différents. L’adolescence est une période de construction de l’identité, les adolescents sont très vulnérables et fragiles, très facilement influençables par tel ou tel courant idéologique, tel ou tel adulte incarnant une sorte d’idéal. Aussi il est impératif que dans cette période de grandes fluctuations, les adultes qui gravitent autour d’eux s’interdisent toute forme de prosélytisme, l’important étant de laisser les jeunes se construire vers ce vers quoi ils veulent aller, en toute liberté mais en toute protection aussi tant qu’ils sont mineurs. Les parents ont sur ce sujet une place considérable à prendre s’ils ne veulent pas que des générations de jeunes élèves soient sacrifiées par des directives souvent inadaptées ou des intervenions prosélytes ou idéologiques non contrôlées et réalisées à l’insu des parents dont nous connaissons, spécialistes de l’enfant et de l’adolescent, les effets néfastes sur certains jeunes.  Et ils ont besoin pour cela de s’appuyer sur des spécialistes du fonctionnement psychique des enfants et des adolescents.

Maurice Berger, pédopsychiatre, vice président du REPPEA

Eugénie Izard, pédopsychiatre, Présidente du REPPEA

Hélène Romano, Docteur en psychopathologie-HDR, psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme, vice présidente du REPPEA

Auteurs de :

– Dangers de l’éducation à la sexualité pour les enfants et les adolescents, 2018, dirigé par M. Berger et E. Izard (VOIR LE LIVRE EN CLIQUANT ICI)

– Danger en protection de l’enfance, dénis et instrumentalisations perverses, 2016, Dunod (VOIR LE LIVRE EN CLIQUANT ICI)

– Le livre blanc de la protection des enfants maltraités, propositions contre les dysfonctionnements, 2017 (VOIR LE LIVRE EN CLIQUANT ICI)